Je cherchais un endroit tranquille où mourir. Quelqu’un me conseilla Brooklyn et, dès le lendemain matin, je m’y rendis de Westchester afin de reconnaître le terrain. Il y avait cinquante-six ans que je n’étais pas revenu là et je ne me souvenais de rien. Je n’avais que trois ans lorsque mes parents avaient quitté la ville, et pourtant je m’aperçus que je retournais d’instinct au quartier que nous avions habité, à la manière d’un chien blessé qui se traîne vers le lieu de sa naissance. Un agent immobilier du coin me fit visiter six ou sept appartements dans des maisons de pierre brune et à la fin de l’après-midi j’avais loué un trois-pièces avec jardin dans la Première Rue, non loin de Prospect Park. J’ignorais tout de mes voisins et ça m’était bien égal. Tous travaillaient de neuf à dix-sept heures, aucun n’avait d’enfants et l’immeuble serait donc relativement silencieux. Plus qu’à toute autre chose, c’était à cela que j’aspirais. Une fin silencieuse à ma vie triste et ridicule...
Brooklyn follies De Paul Auster
Bouquinerie petits prix
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