J’ai froid. Nous sommes le 28 mars 2019 et je suis présentement affalée sur l’asphalte en plein milieu de la rue Merrill. Qui aurait cru un jour que je serais à cet endroit et en ces circonstances ? Je ne me suis jamais sentie autant perdue et j’ai l’impression que certains passants s’intéressent trop à moi, mais c’est normal, vu la place que j’occupe au milieu de la rue. Je viens d’être projetée par une voiture, alors que j’étais en train de marcher en bordure de la rue encore couverte de neige fondante. En plein mois de mars, dans une petite ville comme Chibougamau, ça fait beaucoup et rapidement du bruit un accident. Cela représente un mouvement dans la vie pénible et morne des habitants. Ma vie est loin d’être sans péripétie et c’est l’une des raisons de l’emplacement géographie de mon corps à l’instant. Je n’ai plus aucun contrôle sur celui-ci, encore moins sur mes pensées. Mon enveloppe corporelle a parfois des spasmes, mais sinon je reste immobile, parce que je pense que c’est ça qu’il faut faire dans un accident. Mes jambes ont atterri dans une flaque d’eau. Il vente beaucoup aujourd’hui, ce qui ne m’aide pas vraiment à me réchauffer. Tout ça, c’est de ma faute. Je regrette vraiment beaucoup mon geste, mais il est trop tard. Pauvre madame, me dis-je. Celle qui m’a heurtée, elle doit tellement s’en vouloir. Le véritable blâme revient tout de même à moi, parce que la vérité c’est que cet accident n’en était pas un. C’était volontaire.