Le personnage principal du Libraire est une espèce de Meursault, la candeur en moins, le sarcasme en plus, mais tout aussi indifférent à ce qui l'entoure. Il s'appelle Hervé Jodoin, il a perdu son emploi de répétiteur au collège Saint-Étienne, à Montréal, et il est prêt à accepter n'importe quel boulot, du moment qu'il y ait peu à faire et qu'on le laisse tranquille. Quand, au bureau de chômage, on lui propose un travail de commis dans la librairie d'un petit village, Saint-Joachim, à plusieurs heures de la grande ville, il n'hésite pas : Saint-Joachim ou ailleurs, je m'en balançais. Présenté sous forme de journal intime, comme l'était L'Étranger, Le Libraire est le récit à la première personne de la nouvelle existence de Jodoin, coulée dans une morne routine les jours passés à la librairie Léon, les beuveries solitaires à la taverne chez Trefflé où il enfile une moyenne de vingt bocks par soirée, les dimanches, mortels, où pour tuer le temps, il a commencé ce journal. Une existence d'une parfaite uniformité que des événements viendront bientôt perturber, des événements qui, eu égard à la monotonie de [sa] vie, méritent l'épithète d'importants. Cela commence quand son patron, monsieur Chicoine, lui révèle avec des airs de grand conspirateur l'existence du capharnaüm, un réduit fermé à double tour où sont cachés des livres à ne pas mettre entre toutes les mains. Tout déraille le jour où un jeune collégien à qui Jodoin a refilé en douce L'Essai sur les murs, dArouet, décide de dénoncer l'existence du capharnaüm. Le curé s'en mêle, c'est la pagaille à la librairie Léon, et Saint-Joachim au complet est en émoi.