Par Victor-Lévy Beaulieu - Je trouve dommage que Michel Foucault soit si peu lu. Pour moi, il est en quelque sorte le fils spirituel de l'historien-philosophe Jules Michelet dont l'enseignement fut révolutionnaire parce qu'il faisait du peuple, donc du corps social, la base même des ses études et de ses réflexions. Avant Michelet, l'histoire et la philosophie s'écrivaient de haut en bas, ce qui signifiait à toute fin pratique qu'une fois l'échelle descendue, les empereurs, les rois, les despotes et leur entourage avaient avalé pour eux-mêmes toute l'histoire et que le peuple ne se résumait plus qu'à cette chair à canon dont la bourgeoisie se servait sans vergogne pour mieux profiter du privilège qu'elle s'était accordé: celui de s'enrichir. Ce que Michelet appelait le peuple, Foucault le nomme corps social; tandis qu'au XIXe siècle, Michelet réclamait la libération du peuple au moyen d'une éducation délivrée du monde des croyances et des superstitions dans lequel on le tenait enchaîné, Foucault nous raconte comment, au XXe siècle, on s'est servi de l'éducation pour façonner un corps social si bien quadrillé par le pouvoir politique qu'il ne peut plus échapper à sa condition qui fait de lui un aliéné si impuissant qu'il ne peut plus se libérer de la cage dans laquelle on l'a enfermé.

Voilà pourquoi je me suis intéressé à Foucault et que, pour chacun des ouvrages que j'ai lus et relus de lui, j'ai éprouvé pour la première fois le besoin de mettre par écrit ce qui me sollicitait le plus dans ce qu'il écrivait, de ce que j'y apprenais pour me déprendre de moi-même, comme il l'a si bien dit dans L'usage des plaisirs. 

BEAULIEU, Victor-Lévy, Se déprendre de soi-même
Essai, 2008
978-2-89583-185-3, 34,95$, 262 p.